Le territoire intelligent

Avant de s'intéresser au territoire intelligent, il faut s'arrêter sur la notion de territoire et comprendre comment elle a évolué.
Au regard de la loi, le territoire est une étendue qui dépend d'une juridiction. D'un point éthologique c'est l'étendue dont une famille d'animaux se réserve l'usage. Au niveau politique, les deux notions sont liées.
En effet, on ne peut pas exercer efficacement le pouvoir sur un espace dont l'échelle est trop vaste. C'est sans doute en partant de ce constat, que le comité de l'abbé Sieyès a proposé un quadrillage de la France correspondant au voeu de Condorcet, selon lequel les citoyens les plus éloignés d'un chef-lieu devaient être en mesure de faire le trajet aller-retour à cheval en une journée. C'est l'une des bases sur lesquelles furent créés les départements le 26 février 1790.
Depuis, le cheval a été remplacé par le cheval vapeur. Les chemins par le chemin de fer. Aujourd'hui la carte espace/temps de la France, a été totalement chamboulée par la contraction des temps de parcours.
L'homme n'est pas le seul à voyager plus vite. L'information elle aussi a bénéficié des avancées technologiques. En 1900, on lisait le journal. Pendant les trente glorieuses tout s'accélère. Le téléphone et la télévision font leur entrée dans les foyers français. Puis ce sera Internet, les e-mails et les réseaux sociaux. Quand il fallait plusieurs jours aux informations pour atteindre l'ensemble de la population, il ne faut désormais que quelques secondes à un tweet pour se propager.
En effaçant les distances et en contractant le temps, le numérique redéfinit le territoire. Il offre d'innombrables possibilités. Toutefois, cet espace reste à bâtir.

- Bâtir le territoire augmenté. Comment allons-nous empiler des briques numériques, après avoir empilé des pierres pendant des siècles. Les outils sont différents, mais l'objectif reste le même. Il s'agit d'établir les fondations qui permettront au territoire d'évoluer et de se développer.
Précédemment la construction du territoire s'inscrivait dans le temps long. Les villes se sont édifiées doucement. Elles ont peu évolué au fil des siècles. Ce n'est que très récemment que les techniques du BTP ont permis d'accélérer leur reconfiguration, avec une contrainte majeure, celle de l'héritage architectural et urbanistique.
Au contraire le numérique part d'une feuille quasi blanche et son développement est ultra rapide. Les territoires sont engagés dans une véritable course au digital. Ce ne sont pas les plus forts, mais les plus agiles qui s'imposeront. Le rôle des décideurs locaux est de configurer leur territoire pour qu'il puisse devenir un "territoire augmenté". Cela passe par la mise en place d'infrastructures.

- I.O.T.I.A: Ces cinq lettres façonneront la ville de demain. L'IOT (Internet Of Things), littéralement l'internet des objets, permet à tous les appareils connectés de dialoguer entre eux. Grace à l'intelligence artificielle (IA), ces millions de données (Big data) pourront être traitées et analysées. Pour "aménager" ce territoire numérique et l'ouvrir au monde, il faut mettre en place des infrastructures permettant l'échange rapide de volumes exponentiels de datas. La fibre, la 5G, le Wifi, le LIFI, les serveurs, le Cloud, le stockage… Sont autant d'équipements indispensables à l'aménagement du territoire numérique. Ce n'est qu'une fois ces installations mises en place que les flux de données entrants et sortants, ne connaitront plus de frontières.

- Rapidité et prudence : La technologie évolue à un rythme effréné. Le législateur a du mal à suivre son tempo accelerando. En ce qui concerne le déploiement des infrastructures, les élus locaux doivent être vifs mais vigilants.
Vif, pour rester dans la course et maintenir leur territoire en bonne place sur la carte numérique du monde. Vif, pour avoir le temps d'amortir les investissements avant que la technologie ne change.
Vigilant quant à l'obsolescence des outils. A ce titre, le lancement du Bi-Bop à Paris, alors que le reste du monde accélère sur le portable reste un exemple à méditer. Pour éviter ce type de ratage, les élus doivent mettre en place des cellules de veille technologique. Ils doivent observer en permanence les solutions déployées dans le monde entier. Ils doivent voyager, fréquenter les grandes messes technos, comme Vivatech en France ou le CES de Las Vegas. Ils doivent constituer des groupes de prospectives à tous les échelons.
Entre rapidité et prudence, l'équilibre est difficile à trouver. Pour prendre les bonnes décisions, les maitres mots sont évolutivité et interopérabilité.

Numérique et territoire intelligent.
Le numérique est un outil, le territoire intelligent est une politique. Pourtant quand on évoque la "smart city", on a tendance à confondre les deux notions. Comme si l'intelligence passait forcément par le digital et la marche forcée vers la robotisation. Politiquement, il convient donc de se poser quelques questions de base. Un territoire intelligent, pourquoi ? Pour qui ? Comment ? Examinons ces questions :

- Pourquoi ? Pour qui ? On peut regrouper ces deux interrogations et se demander dans quel ordre elles doivent être posées. A quelles attentes doit répondre la ville de demain ? Les hommes devront-ils subir la technologie ou celles-ci devra-t-elle être pensée pour répondre aux attentes des habitants ? Pour qui, s'impose donc comme la première question à laquelle le politique doit répondre. Le territoire intelligent doit donc être pensé pour tous et au service de tous. Il n'est intelligent que s’il apporte des améliorations dans la vie quotidienne des gens et non pas des contraintes supplémentaires. Les solutions ne sont pas nécessairement technologiques. Elles peuvent être de bon sens. Par exemple, améliorer l'accès au commerce de centre-ville pour les personnes âgées en permettant au bus de s'arrêter à la demande, ne dépend pas d'une rupture technologique, mais est le fruit de la bienveillance et participe à créer un environnement intelligent.
D'autre part, cet environnement doit être inclusif. La "fracture numérique" dont parlais le Président Chirac doit être à l'esprit de tous quand on modernise la cité. Mais ce n'est pas le seul problème. Un bassin de vie intelligent doit intégrer toutes ses composantes pour évoluer harmonieusement. Du coeur de ville, aux quartiers en passant par la périphérie et le lien avec l'environnement rural, rien ne doit être négligé si on veut faire territoire, un territoire avec plus de solidarité.

- Ensuite vient la question du pourquoi.
L'argument économique est le premier qui vient à l'esprit. Là encore c'est un choix politique. On peut décider de se mettre en marge du monde en refusant toute évolution. A l'inverse, on peut donner toutes ses chances au territoire en l'inscrivant dans son époque. C'est là que le numérique joue un rôle crucial. De tous les temps, les villes se sont développées le long des axes de communication. Aujourd'hui elles ne pourront pas continuer à prospérer si elles restent à l'écart des autoroutes numériques. Demain les véhicules seront tous connectés. Comment assurer leur bon fonctionnement sans la 5G ? Comment retenir les entreprises, attirer des talents, des startups, des campus, créer des pôles de compétitivité, si on n'est pas connecté avec un débit suffisant ? Là où le zoom pixellise, il n'y a pas de salut. Qu'on se le dise !

L'attractivité. Outre l'aspect purement économique, le numérique fait partie de l'attractivité globale de la ville. Une connexion très haut débit est indispensable à des nombreux services, comme la télémédecine, le soutien scolaire ou tout simplement les échanges sociaux. A cet égard, la pandémie a mis en évidence la nécessité de communiquer d'une manière fluide avec ses proches.

Comment ? Disposer de données pertinentes ne suffit pas à prendre de bonnes décisions (On le voit avec le rapport du GIEC et la lutte contre le dérèglement climatique), mais c'est une condition nécessaire. La ville s'est complexifiée. Pour la comprendre il faut passer de l'intuitif à l'objectif. La récolte de données est plus que jamais nécessaire pour piloter le territoire. Que ce soit dans le domaine de l'efficience énergétique, de la gestion de l'eau, des transports, des flux routiers, de la qualité de l'air, des besoins populationnels… disposer des bonnes informations en temps réel est indispensable.

Modéliser et prévoir. Grâce à l'intelligence artificielle, il est possible de compiler un très grand nombre de données pour les analyser. Le Big Data permet de croiser des informations obtenues à partir d’univers différents, voir disparates. Cette combinaison d'informations qui a priori n’ont pas de rapport, est essentiel pour comprendre les liens de causalité entre plusieurs facteurs et pour découvrir de nouvelles interactions.
La différence majeure entre l'IA et le cerveau humain, réside dans la capacité à ingurgiter et à traiter des gigas volumes de datas, que seul l'ordinateur peut traiter. C'est en cela que l'intelligence artificielle est une opportunité. Cet outil permet d'aller plus loin que la simple statistique pourvu qu'on le nourrisse ou plutôt qu'on le gave de données en utilisant l'IOT.
Alors que la statistique analyse des faits passés, l'IA est capable d'analyser des événements en temps réel et d'alimenter des outils prédictifs. Par exemple, des capteurs de débit, combinés à des modèles météo, des statistiques de consommation, des informations sur la perméabilité des sols et l’état des nappes phréatiques, pourront prévoir bien en amont des phénomènes de crues ou de sécheresse.
L'étape suivante s'appelle le "Deep learning". Il s'agit de créer des algorithmes qui permettront à l'I.A d'apprendre au fur et à mesure qu'elle s'enrichit en données. Cette approche permettra d'aller plus loin que la simple prédiction. Elle nous donnera la possibilité de nous projeter à plus long terme en créant des modèles prospectifs. Reprenons l'exemple de l’eau : Le deep learning nous autorisera à dépasser la prévision pour aller vers la construction de différentes hypothèses qui permettront aux décideurs de tester des solutions en virtuel, avant de les appliquer. Ainsi on pourra simuler la mise en place de toutes sortes de dispositifs comme des canaux de dérivation, des puits d'absorption, ou encore la végétalisation de zones urbaines et en déduire l'impact sur la gestion de l'eau.
En résumé, là où la statistique se contente de décrire des événements passés, l'IA est capable d'analyser l'info en temps réel, de produire des modèles prédictifs et de proposer des alternatives prospectives. Il est important d'insister sur le fait que l'intelligence artificielle doit rester un super tableau de bord et ne pas se substituer aux politiques, à qui la décision finale doit revenir. D'où l'enjeu pour une collectivité de conserver la souveraineté de ses données.

L'écosystème du territoire numérique
L'écosystème numérique est en bien des points comparables à l'organisation du corps humain. Nous venons de parler de l'IA, qui serait le cerveau. Il est alimenté en données par des capteurs, qui sont nos organes sensoriels. Cet ensemble sert à comprendre et à réguler le métabolisme du territoire.

- La connectivité, partout, tout le temps. Le volume des données échangées est exponentiel. La rapidité d'échange sera cruciale pour mettre en place certaines applications. Comment imaginer l'hôpital de demain et le bloc opératoire augmenté avec un wifi défaillant ? La connectivité est la pierre angulaire du territoire connecté. Cela sonne comme une évidence, pourtant l'irrigation numérique des territoires est encore très inégale en 2022.

- Les capteurs. Ce sont les terminaisons nerveuses de la ville. Ils mesurent toutes sortes de choses. Les fuites d'eau, l'intensité lumineuse, le niveau sonore, le volume du trafic, la qualité de l'air… Pas une semaine sans qu'un nouveau type ne fasse son apparition. Ils constituent l'ossature des "smart grids" et de nombreux systèmes d'informations. Parmi les plus visibles, citons l'exemple des panneaux qui indiquent aux automobilistes le temps nécessaire pour atteindre une destination. Ou encore les totems numériques qui nous renseignent sur le prix de l'essence sur l'autoroute. Outre ces capteurs identifiés comme tels, bien d'autres objets vont rejoindre l'armée de l'IOT pour alimenter de multiples IA en données de tous types.

L'habitat regorgera d'objets connectés. Lynki, la domotique, les box, la télésurveillance, tous ces dispositifs alimenteront des écosystèmes capables de fournir des informations sur les habitudes de consommation et de loisirs de chacun.

La voiture. Selon les projections, en 2025, 75 à 100% des véhicules produits dans le monde seront connectés. La 5G sera embarquée dans un véhicule sur cinq. Ces voitures connectées produiront chacune 25 Giga-octets de données par heure. Elles contribueront à alimenter l'IA, non seulement pour modéliser le trafic, mais pour calculer l'empreinte carbone, les nuisances sonores, la pollution visuelle, l'impact sur la biodiversité. On pourra aussi anticiper les besoins en électricité en fonction des trajets parcourus…. Comme évoqué précédemment, le Big Data nous donne la possibilité de croiser un très grand nombre d'informations issues d'univers très différents. Par exemple, le trafic routier et les données épidémiologiques. Cela permettrait de caractériser finement les pathologies en proportion des durées d'exposition et de la proximité du lieu d'habitation par rapport aux axes routiers et à leur fréquentation. Intuitivement, on peut penser que les maladies respiratoires arrivent en tête. Objectivement, qu'en est-il ? Est-ce le manque de sommeil, la dépression ? L'arrivée des véhicules hybrides et électriques va-t-elle avoir un impact ? Seule l'IA combinée à l'IOT peut nous donner des réponses fiables et actualisées en temps réel. Cela requiert la mise en connexion de plusieurs systèmes interopérables. Plus les sources seront variées et plus nous aurons de chances de trouver de nouveaux liens de causalité qui déboucheront sur des solutions toujours plus adaptées au territoire.

Nous constituons probablement un des plus importants gisements d'informations. A travers nos téléphones portables nous renseignons d'une manière passive ou active de très nombreux systèmes d'information. La géolocalisation est souvent activée en tâche de fond. Elle indique notre position à de multiples applications et peuvent rendre de réels services comme SauvLife, qui répertorie les défibrillateurs implantés sur le territoire et envoie des alertes en cas d'urgence. D'autres plateformes collaboratives, comme Waze ou Coyote se mettent à jour grâce aux informations que les utilisateurs leur font parvenir. Ces informations sont précieuses pour l'industrie du Big Data à qui nous n'hésitons pas à tout dire, même ce qu'elle n'ose pas nous demander ! Ainsi les réseaux sociaux regorgent d'infos sur les tendances conso, la sociologie ou la politique. En analysant les post, on peut même prédire les épidémies de gastro-entérite ou de grippe !
Les villes nous sollicitent également pour recueillir de l'info sur son état. Voirie, graffitis, propreté, on peut renseigner des informations utiles grâce à son téléphone.

La vidéo. On connait la vidéo surveillance, on peste contre la vidéo verbalisation, dans certains pays comme la Chine, la vidéo a intégré l'univers du Big Data avec la reconnaissance faciale. Là encore, le champ des possibles est très vaste. Celui de l'atteinte aux libertés aussi. Dans le domaine de la sécurité, certaines sociétés ont bien compris les avantages qu’elles pouvaient tirer du Big Data.
Par exemple, avant même l'arrivée des forces de l'ordre sur un événement en cours, la reconnaissance faciale peut identifier un individu grâce aux caméras de télésurveillance. En croisant ces données avec d'autres systèmes, l'I.A dénichera ses antécédents judiciaires en un quart de seconde. En analysant son activité sur les réseaux sociaux, l'IA va répertorier ses contacts et indiquera aux policiers si l'un d'eux se trouve dans le périmètre de l'action. Ainsi, ils pourront repérer les complices éventuels. Tout ce processus prendra moins d'une minute et se déroulera pendant que les forces de l'ordre se rendent sur le lieu de l'intervention. Avant même d'arriver, elles disposeront de l'ensemble des données sur leurs mobiles. La sécurité sera une des composantes du territoire numérique, tant les données sont vitales dans ce domaine.

- L'imagerie fonctionnelle de la ville. L'imagerie médicale ne cesse de progresser. Les scanners et les IRM nous renseignent sur la santé de nos organes. L'imagerie fonctionnelle va plus loin. Elle nous apprend par exemple, comment le corps réagit à une émotion ou à une agression. La ville, comme tout organisme vivant, a son propre métabolisme. Elle a besoin d'énergie pour fonctionner, elle produit et rejette des déchets. Grâce au Big Data et à la puissance de calcul instantanée, nous serons capables de créer un clone numérique de la ville, qui nous aidera à analyser son métabolisme en temps réel. Nous pourrons également utiliser ce modèle digital comme outil prédictif ou pour tester des solutions en virtuel.

- Clone numérique et métabolisme de la ville. Aujourd'hui les modélisations se concentrent sur une problématique. Elles vont s'intéresser au transport, à l'éclairage, à l'eau… mais elles ne produisent pas une vision globale du métabolisme de la ville. Nous n'avons pas un outil capable de renseigner les interactions d'un domaine d'activité sur un autre. Demain le clone numérique du territoire prendra en compte l'ensemble des paramètres :

Les besoins : Pour fonctionner la ville a besoin de fonds, d'énergie et de ressources naturelles comme l'eau.

Les rejets : Quotidiennement, le territoire produits des dépenses et des déchets de toutes sortes : Ménagers, végétaux, eaux usées, composants volatiles, chaleur, rayonnements lumineux…

Les fonctions : Le métabolisme de la ville fonctionne grâce à des circuits d'échange, comme le réseau routier, les transports en commun, la fibre, la 5G, la collecte des ordures, le recyclage de l'eau, la méthanisation des déchets…
Métabolisme de la ville est le fruit des interactions entre les besoins, les rejets et l'efficacité des circuits d'échange. Des facteurs exogènes peuvent venir perturber ce fonctionnement. C'est par exemple le cas des cités touristiques, qui voient leur population se multiplier à certaines périodes de l'année.

- Les usages du clone numérique
Le clone numérique est un outil d'analyse. Il permettra aux élus d'appréhender le fonctionnement de l'agglomération en disposant de données objectives. La bonne compréhension du métabolisme de la ville, nous aidera à identifier les leviers d'optimisation. Mettre la cité au régime. Faire de la Smart City, une Slim City. Passer d'une ville vorace en énergie à un territoire efficient. Ces objectifs seront d'autant plus faciles à atteindre, que l'on aura bien identifié l'ensemble des paramètres de fonctionnement.

Aide à la décision. Ce sera également un outil capable de produire différents modèles prospectifs en fonction de scenarii très variés. L'expérimentation virtuelle est moins coûteuse. Elle occasionne moins de perturbations pour la population. Elle permet surtout de tester des hypothèses audacieuses. Ne rien s'interdire. Être créatif. Avec le virtuel tout est permis.

Benchmark. Grâce à la structuration des données et à la standardisation d'un modèle numérique commun, le clone pourrait s'imposer comme un outil de comparaison, qui permettrait aux villes de se challenger.

R&D. En mettant leur clone numérique à la disposition d'unités de recherche publiques ou privés, les villes contribueraient à l'éclosion de solutions innovantes. On pourrait imaginer des modèles de collaboration économiques basés sur le partage des ressources et des résultats. "Je donne mon clone numérique à la science". En échange, ma commune bénéficie des avancées technologiques à des conditions particulièrement avantageuses.

Un outil démocratique. En créant une version simplifiée du clone numérique, accessible à tous les citoyens, on permet à chacun de toucher du doigt la complexité de la gestion d'une ville. C’est en les impliquant, que l'on peut démontrer aux "Y'a qu'à faut qu'on" que les solutions miracles n'existent pas dans un monde ouvert et interdépendant.

Gamification. Sim City est un des tops dans l'univers du gaming. Ce jeu de simulation compte des millions d'utilisateurs sur la planète. Il permet au joueur de développer sa ville. Le clone numérique est une occasion de décliner ce concept en offrant aux citoyens la possibilité de s'approcher du réel en jouant avec sa propre ville. A l'heure où l'on cherche des moyens d'impliquer les jeunes générations dans la vie de la cité, la "gamification" est sans nul doute une piste à creuser.

La légitimité de la ville dans le territoire numérique.
Le numérique est-il un territoire, au même titre que les quartiers ou la péri-urbanité ? La question mérite d'être approfondie.
Les infrastructures permettant le bon fonctionnement du digital : Fibre, antenne, relais… sont en partie situées en ville. D'autres comme les data centers peuvent être n'importe où sur la planète. On ne peut donc pas caractériser le territoire numérique par sa géographie. On ne peut pas non plus parler de juridiction, car la ville n'a pas de compétence administrative sur cet espace. Il n'y a pas d'équivalent numérique au PLU ! (Plan Local d'Urbanisme). Ce monde échappe aux schémas classiques.
Il s'agit d'un espace en construction, dans lequel la réalité et le virtuel coexistent. Dans le Métaverse on peut même prédire que le virtuel jouera un rôle prépondérant.
Quelle sera la place de la ville dans ce monde chimérique ? Quelles seront les opportunités pour les villes médianes ? Difficile de se projeter. Une chose est sûre, la ville ne doit pas être absente de cet espace à conquérir. Comme tous les acteurs majeurs, elle doit s'inscrire dans cet univers parallèle. Si elle veut assoir sa légitimité dans la sphère numérique, elle doit y affirmer sa présence dès le début.

Gérer les nouveaux entrants sur le territoire numérique.
Pour la gestion de l'eau, de la voirie, de l'énergie, des télécoms…. La ville travaille avec des acteurs historiques, comme Orange, Véolia, Engie…Les rapports entre ces fournisseurs et les agglomérations sont bien codifiés. Le numérique a bousculé ce petit monde et ses habitudes, en facilitant l'arrivée de nouveaux acteurs qui, chacun dans leur domaine, ont bouleversé les usages.
Les villes, qui jusqu'alors maîtrisait la situation, ont dû apprendre à s'adapter. Ainsi, au grand dam des habitants, Waze a répandu des flots de véhicules dans de petites rues jusque-là très peu fréquentées et les piétons ont dû s'entrainer à slalomer entre les trottinettes de Lime.
Il ne s'agit pas d'être rétrograde, mais de souligner le changement de paradigme entre planification et adaptation. D'autant que les innovations peuvent entrainer des changements profonds dans les modes de vie et les habitudes de consommation.
BlaBlaCar a boosté l'autopartage. Doctolib a fluidifié la prise de rendez-vous chez le médecin et joue un rôle capital dans le développement de la télémédecine. Airbnb, Booking et tous les comparateurs ont rebattu les cartes du tourisme. Paybyphone et OpnGO ont simplifié le paiement du stationnement. Ubereat et Deliveroo ont amené le resto à domicile.
On pourrait multiplier les exemples tant les solutions proposées par les Startups impactent nos vies. La difficulté pour les élus est d'être ultra réactifs. Le numérique ne doit pas être une zone de non-droit. Le législateur doit jouer son rôle et prévenir les abus potentiels.
Quant aux Maires, ils doivent surfer sur l'innovation pour la mettre au service des habitants. Cela peut avoir de lourdes conséquences sur l'organisation de la ville. C'est un défi d'autant plus difficile à relever, que les élus locaux ne maitrisent pas tous les paramètres en amont. Voici deux exemples illustrant les adaptations imposées aux villes par l'arrivée des géants du numérique.
- BlaBlaCar a popularisé l'autopartage. On peut saluer l'impact positif de cette solution sur l'allégement du trafic routier. Pour accompagner la modification des usages, les autorités ont dû mettre en place des stations d'autopartage. Ces mini parkings gratuits qui permettent aux usagers de se donner rendez-vous, ont un coût auquel la communauté doit faire face.
- Waze a pour objectif de fluidifier le trafic. Ses algorithmes proposent des trajets alternatifs aux conducteurs. Cette modification des itinéraires n'a pas fait que des heureux. Des rues paisibles se sont transformées en "autoroutes". Là encore, la communauté a dû s'adapter en modifiant son plan de circulation et en adaptant la signalisation.
A travers, ces deux exemples on voit que les coûts induits par les modifications de comportements, impactent la communauté. Pour être juste, il faut mettre dans la balance le fait que les frais de développement de ces nouveaux services n'ont pas été pris en charge par la dépense publique.Le déploiement du numérique s'accompagne du boom de la logistique. C'est actuellement le cinquième secteur économique et le plus dynamique en termes de croissance. En 2020, la logistique employait 500.000 personnes. Pas étonnant dans ces conditions que les Maires fassent les yeux doux à Amazon dont le réseau logistique est composé de quatre centres de distribution qui occupent 236.000 m² et emploient plus de 22.000 personnes.
La gestion des nouveaux entrants demande aux élus d'être réactifs et créatifs. Elle s'accompagne de profonds changements au niveau des usages. Elle nécessite des adaptations au niveau des infrastructures. Elle a un impact sur l'emploi et les équilibres économiques du territoire.

Territoire numérique, quelques exemples d’applications :
Il ne s'agit pas dans cette partie de dresser un panorama exhaustif de la mutation numérique du territoire, mais de donner quelques tendances à travers des exemples d'applications.
- De la carte au nuage de données.
La cartographie telle que nous la connaissons n'a plus d'intérêt. La numérisation nous donne la possibilité d'agréger un nombre de datas infini à un point précis. Ainsi on pourra intégrer des données climatiques, démographiques, urbanistiques, géologiques, épidémiologiques… Une coordonnée GPS va donc se transformer en un nuage d'informations, que l'on pourra enrichir et manipuler pour modéliser le territoire avec toujours plus de finesse.
- Optimiser la ressource.
Gestion de l'eau. Les pertes dues à des fuites vont de 10 à 41% selon les villes. La surveillance du réseau figure dans l'éventail des solutions à déployer pour endiguer ce gaspillage, qui a un coût écologique et économique. L'installation de capteurs connectés à des outils d'analyse va permettre de détecter et de localiser les fuites en temps réel. Le technicien le plus proche de l'incident sera repéré par géolocalisation. Il recevra automatiquement une alerte sur son téléphone portable, lui indiquant le lieu de l'intervention.
La gestion de l'eau, de son cycle, petit ou grand, c'est aussi le problème de l'imperméabilisation des sols, de l'anticipation des crues, de la pollution des cours d'eau, de la surveillance des nappes phréatiques… Autant de domaines dans lesquels le numérique va apporter une aide précieuse sur une ressource vitale. A noter qu'il faudra également trouver de nouvelles ressources pour financer le traitement de l'eau et trouver un modèle économique ZAN

Gestion de l'énergie. Dans ce domaine, les applications sont nombreuses. Elles nous aideront à décarboner la ville et à maitriser nos dépenses.
Par exemple, une carte thermique du territoire, nous permettra non seulement repérer les passoires énergétiques comme cela se fait déjà, mais aussi de "climatiser" la ville en créant des puits de fraicheur.
Les capteurs connectés au système d'éclairage vont réduire la pollution lumineuse.
Les smart grids formeront un système intelligent de gestion connectée de l'énergie. Il sera capable d'optimiser le mix en fonction des besoins. Ainsi on pourra combiner les apports du solaire, de l'éolien, des énergies classiques. Il sera possible de réinjecter de l'énergie dans le réseau à travers les bornes de recharges des voitures ou en utilisant le produit de la méthanisation. Enfin on pourra relier des smart grids entre-elles pour aller plus loin dans la mutualisation des ressources.
L'éclairage nocturne connecté participe à la gestion intelligente de l'énergie. Il préserve la ressource tout en prenant en compte le confort et la sécurité de la population. Parmi les applications existantes, certaines proposent aux habitants de déclencher l'éclairage public depuis leur Smartphone. Ainsi, l'éclairage s'allume sur le trajet des gens pendant une durée déterminée.

- Numériser le bâti.
Un bâtiment représente un nombre considérable de données. Cet ensemble disparate produit par les différents acteurs intervenant sur le bâtit, n'est pas structuré. Ces éléments non transversaux constituent donc un potentiel sous exploité. En créant un avatar numérique du bâtit à travers un référentiel standardisé, on peut gérer des milliers de mètres carrés. En ayant recours à l'intelligence artificielle, on peut par exemple programmer des actions de maintenance prédictive. La numérisation du bâtit permet d'améliorer la gestion de parcs immobiliers, de leur construction à leur réhabilitation.
- Santé.
Le numérique a ouvert d'immenses perspectives d'amélioration dans le domaine de la santé. On pense en premier à la télémédecine. Celle-ci couvre plusieurs aspects, dont le plus connu est la téléconsultation, mais il faut également parler de la télé-expertise et du télé-suivi des patients chroniques et des personnes âgées. Les applications ont fluidifié le parcours et facilité la prise de rendez-vous. On pourrait multiplier les exemples à l'infini tant le numérique envahit nos vies et touche tous les aspects de notre quotidien. Que ce soit l'optimisation de la ressource, la gestion de l'eau, de l'énergie, du bâtit, de la voirie, mais aussi la sécurité, l'éducation, la circulation, la pollution, l'agriculture… Le territoire numérique gagne chaque jour du terrain. C'est pourquoi il est nécessaire pour les villes d'avoir une stratégie.

Stratégie numérique.
- Stratégie de la donnée. Quelles sont les données pertinentes ? Comment les obtenir ? A qui appartiennent-elles ? Comment les exploiter ? Voilà quelques questions stratégiques auxquelles les villes vont être confrontées.
La première étape de la mise en place d'une politique de la donnée passe par l'acculturation des élus. Il est indispensable qu'ils se familiarisent avec cet univers et qu'ils en comprennent les enjeux afin de ne pas avoir de comportements naïfs vis-à-vis des exploitants du big Data. Il faudra sans doute trouver de nouveaux modèles économiques basés sur le partage des ressources et des bénéfices. Par exemple, si la communauté se dote d'infrastructures pour récolter des données propres à sa population et à son territoire, on peut imaginer qu'en contrepartie, celui qui va exploiter ces informations cède une partie du bénéfice qu'il en tire. Cela peut revêtir différentes formes : Partage de revenus, prix préférentiel appliqué à la ville, accès à une version premium…
On entend souvent dire, dans les conférences consacrées au numérique, que la donnée est le nouvel Eldorado. Cette comparaison avec la ruée vers l'or est éclairante, car l'exploitation de la data pourrait très bien se calquer sur celui de la mine. Pour simplifier, il y a le gisement, l'extraction et l'exploitation. Dans notre cas, le filon c'est la ville. L'extraction se fait grâce à l'IOT (Internet of Things) et le raffinage des données revient aux fournisseurs de solutions. Chacun doit trouver sa place dans le modèle économique.

- Les paradoxes du numérique
Entre abstrait et concret, le numérique n'en est pas à un paradoxe près. Dès l'origine le grand public a fait le raccourci entre numérique et virtuel. C'est ainsi que ce sont imposées quelques idées comme la gratuité ou l'absence d'impact écologique.
La gratuité. Depuis des siècles, nous avons acquis le réflexe d'associer un bien culturel à un bien matériel. Ainsi nous acceptons volontiers de payer un livre plus cher si sa pagination est importante. Idem pour un tableau. Les grands formats d'un même peintre seront plus chers que ces oeuvres d'une taille plus modeste. Ces deux exemples illustrent le lien étroit, qui s'est enraciné dans l'inconscient collectif, entre la création et le "poids" de l'oeuvre. Le numérique a remis en cause ce schéma en abolissant la hiérarchisation physique. Désormais tout s'affiche sur le même plan. Celui de l'écran plat d'une tablette.
Par exemple, il suffit de poser une question à Google, pour obtenir des centaines de propositions en une seconde. C'est gratuit, mais que vaut cette info qui ne vaut rien ? A-t-elle été vérifiée ? Vous est-elle proposée en premier parce qu'elle et de qualité ou parce qu'elle est mieux référencée ? En clair, est-elle plus pertinente ou a-t-elle su se faire remarquer par les algorithmes des moteurs de recherches ? On a coutume de dire que quand c'est gratuit, le produit c'est vous. Internet a monétisé l'utilisateur en le vendant à la Pub. Dans le même temps il a paupérisé la presse. Entre le monde du copier-coller et le journalisme d'investigation, nécessaire à la démocratie, il y a une réalité économique. Non l'info n'est pas gratuite.

L'impact écologique. Derrière l'image qui apparait sur votre écran, il y a des milliers de kilomètres de fibres, de câbles sous-marins, de serveurs, de relais ... Le Cloud n'est pas un nuage, mais une nuée de data centers très énergivores et une constellation de satellites que nous avons mis sur orbite à grand renfort de fusées. Nous oblitérons totalement l'impact écologique du numérique. L'envoi d'e-mail génère à lui seul plus de 450 millions de tonnes de CO2 par an. Selon l'ADEME, le numérique est responsable de 3.5% des émissions de gaz à effet de serre. Ces rejets sont en hausse. A titre de comparaison, en France, l'origine des émissions de CO2 dues à la combustion d'énergie est de 13% dans le secteur résidentiel à égalité avec l'industrie et la construction.
Il ne s'agit pas ici de nier les aspects positifs de la digitale. Mais dans un monde plus responsable, où l'ère du gaspillage des ressources et de l'énergie est révolue, le gaspillage numérique ne doit pas se substituer à d'autres.

- Stratégie politique.
L'acculturation des élus, des services techniques et de la population sont au coeur de la politique numérique de la ville. Chacun doit en comprendre les enjeux. Cette politique doit être lisible de tous. Les objectifs doivent être clairement définis. Cela demande des efforts soutenus de formation et d'information. Formation des élus et des services. Information de l'ensemble de la population, y compris de ceux qui sont le plus éloignés du numérique.

La politique 2.0. En fonction des sensibilités politiques et de la situation locale, les priorités seront différentes d'une ville à l'autre. Quand l'une mettra l'accent sur l'accès aux soins, l'autre mieux dotée en médecins, insistera sur la gestion des ressources ou la sécurité. Chacune définira ses priorités. Une chose est sûre, dans une France fragmentée, avec des villes sectorisées en ilots urbains et périurbains, le numérique ne doit pas être une division de plus, mais un vecteur de développement économique et de progrès social et culturel. Le territoire intelligent doit être bienveillant et inclusif pour être considéré par tous comme un progrès. Ce n'est qu'à cette condition que nous embarquerons l'ensemble de la population.
A l'heure où le désintérêt pour la politique semble grandissant et où les jeunes boudent de plus en plus les urnes, le numérique doit être utilisé pour redynamiser la vie démocratique locale. De la retransmission vidéo des conseils municipaux, aux mini-sondages via les réseaux, en passant par le clone numérique et la gamification de la smart city, le panel des outils est vaste et ne cesse de se diversifier. Demain l'intelligence artificielle pourrait être utilisée comme un outil de démocratie collaborative. Une sorte de super boite à idées "augmentée".

Dépendance et vulnérabilité. Dans ses choix, le politique doit veiller à ne pas rendre sa ville totalement dépendante, voir vulnérable. Si la donnée récoltée via des capteurs s'impose comme le seul critère de prise de décision, que se passera-t-il en cas de panne des réseaux ou de hacking ? De même, il faut réfléchir à la gouvernance. Va-t-on laisser les algorithmes statuer sans aucun contrôle ? Le numérique est un outil et il doit le rester. L'intelligence artificielle ne doit pas se substituer à l'intelligence humaine. Mais la sophistication des programmes, enrichis en permanence par le Deep Learning, complique la tâche. Des biais peuvent apparaitre. Dans ce cas, il est possible que les algorithmes perdent de leur fiabilité. Il peut même arriver qu'ils se trompent. C'est pourquoi, il est capital que l'humain garde la compréhension de l'outil. Grâce à son expérience, il doit être capable de déceler les dysfonctionnements du système.
Le numérique exerce une fascination, qui ne doit pas faire oublier aux élus, que la vigilance s'impose pour ne pas créer de situation de dépendance ou de vulnérabilité.

- Numérique : Quels services urbains demain ?
Dans un conteste d'innovations incessantes, le processus de numérisation de la ville et des services publics s'intensifie. Face aux multiples possibilités, les élus doivent réfléchir aux services urbains de demain : Quels types de villes numériques ? Et quels modèles économiques ?
En interne, les services techniques ont facilement adopté le numérique pour optimiser la consommation d'eau, piloter l'éclairage, le chauffage, intervenir sur la voirie…. On mesure facilement les gains réalisés grâce à ses nouvelles technologies. On a plus de mal à imaginer comment animer une communauté d'agents en mobilité. Comment préserver la cohésion des hommes au sein d'une équipe éparpillée ? Les directeurs des services techniques et les responsables des ressources humaines devront faire preuve d'imagination pour souder leurs escouades numériques.
Du côté de la population quelles sont les attentes ? Le citoyen se comporte comme un consommateur. Il met sur un même plan le site de sa petite ville et celui d'Amazon. Il attend la même ergonomie, la même fluidité. C'est un challenge difficile à relever pour les villes qui n'ont pas les mêmes ressources techniques, ni les mêmes budgets, que les géants du Net. Cependant, elles se doivent de proposer une offre de qualité, sous peine d'apparaitre comme ringarde aux yeux de la population. Quelle part de leur budget les communes doivent-elles consacrer à leur offre numérique ? Comment arbitrer entre l'image, le service et le coût ? Plusieurs modèles se dessinent. Ils correspondent à des positionnements politiques différents et peuvent se recouper :

Simcity ou "Si j'étais Maire"- Ce type de modèle joue à fond la carte du numérique pour embarquer le citoyen à travers des outils ludiques et collaboratifs. On utilisera un clone digital simplifié, pour que chacun puisse appréhender le métabolisme de la cité. Rejets, consommation d'énergie, empreinte carbone, gestion des ressources… en jouant sur différents paramètres, le citoyen pourra faire évoluer sa ville et devenir force de proposition à travers des outils collaboratifs. Renforcer l'implication des citoyens dans la démocratie locale, c'est ce que propose la Simcity.

Slimcity - La ville vertueuse – C'est une ville sobre, qui valorise la non-consommation, le recyclage, les services de partage…. Par exemple, elle va mettre en place une application qui communiquera des informations en temps réel, afin de lisser l'usage des transports en commun. L'utilisation de poubelles connectées, lui permettra de récompenser les habitants qui rejettent le moins de déchets. A travers ses choix numériques, la Slimcity va favoriser les comportements frugaux. C'est la ville du numérique responsable.

Care City - C’est la ville solidaire. Celle qui privilégie le mieux-être de ses habitants. Les applications qu'elle va mettre en place sont bienveillantes et visent à favoriser le lien. Aide à la personne, soutien scolaire, télésurveillance des personnes âgées, échange de services entre voisins, bourse alimentaire, AMAP…. Voici quelques exemples de numérique solidaire, par opposition au numérique solitaire.

La ville servicielle - Son objectif est de simplifier la vie des habitants. Les sites et applications proposés doivent correspondre à un besoin réel comme accéder à des formalités administratives. Prendre des rendez-vous en ligne, pour éviter l'attente en Mairie. Acheter certaines prestations en ligne, comme le stationnement résidentiel, les activités de loisir proposées par la ville. Pour faire un parallèle marketing, la ville servicielle est tournée vers "l'expérience client". Elle privilégie l'usage à la propriété. C'est le cas des vélos en libre-service ou des tiers lieux. Ce modèle reconfigure les métiers des opérateurs urbains et les oblige à une intégration plus forte entre la construction des infrastructures, leur exploitation et leur maintenance.

La caisse à outils numérique - Sim-city, Slim-city, care-city, les modèles foisonnent. La boite à outils de l'action locale est en plein renouvellement. Il faut l'adapter à

L'individualisation des modes de vie, qui rend la catégorisation de la population (donc les statistiques) plus difficile.
Il faut tenir compte de l'hybridation des services qui fait exploser les frontières sectorielles. Que ce soit l'eau, l'électricité, les transports, chacun travaillait en silo. En s'infiltrant partout, le numérique a lancé des ponts entre les différents services municipaux. Il est même à l'origine de collaborations entre la ville et sa population. Par exemple, à travers des applications collaboratives, les habitants peuvent signaler des dysfonctionnements ou des problèmes de voierie aux agents, voire un incident ou un accident.

Le temps réel. La dimension temporelle est un élément capital. Par exemple, elle est au centre de l'optimisation des smart grid. Elle est indispensable à la synchronisation des énergies intermittentes comme le solaire ou l'éolien. L'interopérabilité en temps réel de différents systèmes d'information fait partie de la panoplie de moyens dont l'action locale doit se doter.

La bonne échelle. Alors que les opérateurs globalisés comme Uber, Airbnb et bien d'autres ne cessent de progresser, le public demande des services urbains de proximité. Global et local n'ont jamais été aussi imbriqués. Le choix de l'échelle des services déployés par les villes et leur complémentarité avec ceux que proposent les acteurs mondiaux s'avère compliqué.

Quel modèle économique ? Derrière ces adaptations, il y a des organisations et des lignes budgétaires. Plusieurs modèles économiques cohabitent.
La ville All-inclusive propose la gratuité des applications numériques mise en place sur le territoire. D'autres vont opter pour un socle de services gratuits, qui pourront être complétés par une offre payante donnant accès à des privilèges comme, le coupe file au musée, un horaire étendu à la médiathèque ou à la piscine. Dans la plupart des cas, c'est un mixe public-privé qui va s'imposer. Par exemple vous pourrez régler votre stationnement à la borne ou sur votre Smartphone via une appli privée comme Paybyphone ou Opngo. Dans ce cas, la ville ne supporte pas les coûts de développement, de mise à jour et de maintenance de l'application. Elle ne s'acquitte que de l'usage.

- Numérique : A vos marques, prêt…
Comment croire que le numérique va rebattre les cartes et donner toutes leurs chances aux 36.000 communes de France, quand certains territoires font la course en tête et d'autres ne se sont pas encore présentés sur la ligne de départ ?
En 2022, une Startup sur deux se trouve en Ile de France. (Source - Numéum). Pour le moment, l'exode rural de la Startup nation n'est qu'un phénomène médiatique. Dans les faits, la crise Covid n'a que très peu modifié les comportements. Puisque la proportion de jeunes pousses implantées dans la métropole parisienne est passée de 52% en 2021 à 50% en 2022. Le dynamisme de ce secteur qui a enregistré une croissance de 14% (19% dans le secteur du e-commerce) n'a donc pas profité à tous les territoires. La majorité des 30.000 emplois créés en 2021 par les Startup sont localisés dans les grands centres urbains.
A côté de la France hyperconnectée. Celle des autoroutes du TGV et de la 5G, il y a des zones oubliées. Cette "sous-France", qui souffre d'un aménagement du territoire inégal. Celle des zones d'ombres numériques. Dans ces conditions, comment attirer les entreprises ? Le déploiement de la fibre est parfois ubuesque et les Maires des petites communes sont impuissants devant certaines situations.
Comment expliquer à ses concitoyens qu'une partie de la rue est raccordée, mais pas l'autre. Quelle échéance donner ? L'élu local est souvent désarmé face aux opérateurs. Sans oublier les zones blanches téléphoniques, ce qui accroit ce contraste.
Les villes médianes ont un rôle majeur à jouer dans la structuration du territoire numérique. Pour rivaliser avec les grandes métropoles et tirer parti de ce levier de croissance, les élus locaux doivent créer de véritable continuum. La connectivité doit être ininterrompue et de qualité égale entre le coeur de ville, la péri-urbanité et la ruralité. Ce continuum doit irradier au-delà de frontières politiques que sont les communautés de communes ou les agglomérations. De même que dans l'histoire, la France s'est structurée autour des villes médianes. Aujourd'hui, celles-ci doivent jouer le rôle de fédérateur local dans la configuration numérique du territoire.

Territoire intelligent ou intelligence du territoire ?
Quand on parle de territoire intelligent, on a tendance à faire l'amalgame avec territoire numérique. Dans ce territoire augmenté, l'intelligence n'est qu'artificielle. Le numérique est un outil, le territoire intelligent est une politique. Pour la mener à bien, il faut avoir l'intelligence de son territoire. Les élus doivent comprendre quelles sont les aspirations des habitants et des forces économiques. Ils doivent intégrer les besoins futurs comme le vieillissement de la population. Ils doivent tenir compte des orientations fixées par l'état, comme l'écologie, les économies d'énergie, l'imperméabilisation des sols, la construction de logements sociaux ou la rénovation du bâtit. Ce n'est qu'après avoir fait la synthèse de ces éléments qu'ils pourront fixer des orientations pour bâtir un territoire intelligent, dans lequel le numérique sera au service de leurs politiques.
Les élus doivent être vigilants et éviter quelques écueils, comme la dépendance au numérique. En cas de panne ou de piratage, la ville doit continuer à fonctionner. Autre point de vigilance, l'inclusion. Un territoire dit "intelligent" doit se mettre à la portée de tous. Il faut faire attention à ne pas marginaliser certaines franges de la population. Le recours excessif au numérique est un facteur d'exclusion, mais ce n'est pas le seul. Le désengagement de l'état en est un autre. La fermeture du tribunal ou de la perception mettent à l'écart les personnes qui ne conduisent pas.
La création d'un territoire augmenté passe par l'acculturation des élus qui, d'une connaissance intuitive de leur territoire vont évoluer vers une compréhension objective. C'est l'apport majeur de l'IOT et de l'intelligence artificielle. Ces outils permettront aux décideurs de disposer de tableaux de bord, qui seront de véritables aides à la décision, puis deviendront des systèmes prédictifs. L'IA pourra également être utilisée pour expérimenter la ville en virtuel grâce aux logiciels de simulation appliqués au clone numérique de la ville.
La technique n'a pas de limite et comme Rabelais le soulignait déjà "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme". Dans ce domaine, Il appartiendra au législateur de fixer les règles. Le rôle des élus locaux sera de bâtir un territoire bienveillant au service de ses habitants et de ceux qui le visitent.
La ville médiane 2.0 doit être un espace apaisé où il fait bon vivre. Elle doit favoriser le lien. Être inclusive. Utiliser toutes les technologies disponibles pour faciliter la vie des gens. Être innovante, dynamique, attractive, accueillante, ouverte sur le monde. Cette ville doit être actuelle. C'est-à-dire être en phase avec son époque tout en cultivant sa différence.

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