Les atouts des villes médianes

Entre aspirations et passage à l'acte, les blocages sont nombreux et les défis à relever par les villes médianes, sont de taille. Le confinement n'a pas entrainé un exode massif des métropolitains. Cependant, il a révélé le besoin profond d'une partie de la société de vivre autrement. Les villes intermédiaires disposent de nombreux atouts pour répondre à cette demande. L'heure des villes médianes serait-elle venue ? Un nouveau regard plus positif se fait jour. Engendrera-t-il une nouvelle tendance pérenne ?

Les atouts pour les particuliers

- Prix du foncier et de l'immobilier est un des atouts majeurs des villes moyennes. L'échelle peut varier de un à dix entre le prix moyen du mètre carré parisien (+10.000 €) et celui de certaines cités. A budget constant, les familles bénéficient de plus d'espaces. Dans le cas des familles monoparentales (24% de la population), le prix réduit de l'immobilier permet d'équilibrer le budget.

- Le reste à vivre : Il est généralement plus important en province que dans les grandes métropoles. Cela s'explique par la part du coût du logement dans le budget mensuel, la proximité des producteurs (ou la possibilité de disposer d'un jardin), le ticket moyen des restaurants et l'accès facile à des loisirs gratuits comme les balades en forêt. Ainsi les faibles revenus s'en sortent mieux en province que les habitants des métropoles ou de leur périphérie.

- Le reste à vivre : Non ce n'est pas une répétition ! Le reste à vivre n'est pas simplement une notion financière. Il s'agit également du rapport au temps. Celui gagné dans les transports par exemple. Une ville où tout est à cinq minutes, c'est un espace où l'on a plus de temps pour soi, sa famille et ses amis.
Bachir Arouna, dont vous pouvez retrouver la contribution dans l'espace vidéo de cet ouvrage, définit la ville comme un "Chronotope". Il associe le temps et l'espace pour définir le territoire, tout en soulignant que le numérique efface ces notions. Dans l'ère digitale, l'espace ne comptera plus et le temps se contractera, définissant une nouvelle carte mondiale avec des autoroutes 5, 6, 7G… et des chemins de traverse mal connectés.

- Friendlycity : Rester dans son quartier, continuer sa vie sans changer de ville, devient de plus en plus difficile pour les habitants des métropoles. Le prix de l'immobilier repousse les gens toujours plus loin. Les villes médianes sont plus hospitalières. Grâce à des prix supportables pour la majorité des budgets, elles offrent des possibilités de logement quelle que soit la période de la vie. De la chambre d'étudiant, à la maison familiale, la ville médiane ne rejette pas ses enfants hors du territoire.

- Ville trait d’union : Moins de stress, plus d'humanité. Celles que nous appelons à dessein les villes médianes et non moyennes, cultivent la culture de l'échange. Cette médiation permanente se traduit par plus d'urbanité dans la vie quotidienne.

Les atouts pour les entrepreneurs

- Le reste à entreprendre : Démarrer une entreprise ce n'est pas simple, mais selon les lieux l'aventure peut s'avérer plus aisée. Les villes médianes rivalisent de créativité et d'opérations séduction pour redonner de l'éclat à leur tissu économique. Une aubaine pour les entreprises, notamment les jeunes pousses. De plus, le coût des locaux commerciaux et industriels, plus compétitifs que dans les grandes métropoles, donne de l'air à la trésorerie des sociétés.

- Circuits courts : Gagner du temps, être le premier sur le marché… C'est l'obsession de tout entrepreneur qui lance une idée. La province est un "petit monde" dans lequel il est rapide d'identifier les personnes clés pour le succès d'un projet. Accéder rapidement aux circuits de décision est un atout de taille pour les chefs d'entreprise et les Startuppers.

- Terre de R&D. C'est pour les mêmes raisons que les villes médianes sont les partenaires idéales de tous ceux qui souhaitent innover. L'accessibilité aux autorités municipales, le périmètre géographique, la jauge démographique et la relative simplicité des processus de décision font de ces villes le paradis de la R&D.
Les grands groupes ne s'y trompent pas. Ils préfèrent proposer leurs nouvelles solutions à des villes intermédiaires plutôt qu'aux grandes métropoles, car ils y trouvent de nombreux avantages. En premier, elles seront plus promptes à répondre. Les budgets de mise en place sont maitrisés. En cas d'échec, les risques sont donc contenus. Le suivi des expérimentations est plus facile et l'analyse du retour d'expérience est plus simple, tout en restant représentative.

Les atouts structurels et géographiques

- La gouvernance. On parle souvent du mille-feuille quand on évoque les multiples couches qui stratifient le pouvoir, depuis le local jusqu'au sommet de l'état. La commune est certes la strate la plus éloignée des hautes sphères ministérielles, mais c'est la plus proche des gens. C'est le meilleur échelon pour prendre le pouls du territoire. Le conseil municipal est l'instance exécutive de proximité par excellence. Il est plus agile que d'autres lieux de pouvoir. Le circuit de décision est plus court et les motivations plus souvent pragmatiques que politiques. Il appartient aux équipes municipales de s'emparer de ce pouvoir de proximité, avec talent et créativité, pour piloter au mieux le développement de la ville.

- La France désirable. C'est ainsi que Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely, auteurs de "La France sous nos yeux" nomment les territoires dotés d'atouts de séduction que d'autres n'ont pas. Il s'agit essentiellement de la France TGV et des villes touristiques de montagne ou du littoral. Cette France carte postale, a bénéficié du boum des loisirs. Elle a ramassé l'or bleu et l'or blanc à la pelle. Quant à la France TGV, elle a vu son économie dopée par le train de la fortune.
En contrepartie du développement touristique et économique, la France désirable doit faire face à d'autres problèmes. Elle ne fait pas rêver tout le monde. Le prix de l'immobilier a explosé, repoussant les travailleurs "essentiels" plus loin en périphérie. Cette France "Back stage", c'est celle des éboueurs, des livreurs, des caissières, des chauffeurs de bus … Ceux qui font fonctionner la ville, mais qui n'ont plus les moyens de s'y loger. Ces sont les invisibles que la crise Covid a remis sur le devant de la scène et qu'on a aussitôt oublié. C'est la France des travailleurs pauvres, des gilets jaunes et des ronds-points.

Les atouts conjoncturels
- Les usages distants. La composante numérique rebat les cartes de l'espace et du temps. On peut commander à distance et pour ceux qui en ont la chance on peut travailler à distance. Aujourd'hui Zoom et Meet font partie du quotidien. Le nombre de téléconsultations monte en flèche. Nous sommes entrés dans l'ère de la portabilité.
C'est un atout considérable pour les villes médianes, pourvu qu'elles se situent sur une autoroute numérique. Désormais et à condition d'avoir une activité compatible avec le travail à distance, il sera possible de choisir son lieu de vie en fonction de critères autres que l'activité.
- Le désir de nature est très présent dans certaines couches de la population. Il s'accompagne de la volonté d'évoluer dans un univers moins stressant que celui des grandes métropoles. Pour autant ce besoin qui infuse à bas bruit dans la société, ne s'est pas encore traduit par des mouvements massifs.
Les villes médianes véhiculent des valeurs en totale adéquation avec cette aspiration à vivre dans un monde plus authentique et plus humain.

CROIRE EN SON TERRITOIRE
En conclusion, les villes moyennes doivent être conscientes de leurs atouts. Le prix du foncier les rend accessibles. Le reste à vivre, que ce soit en termes de budget ou de temps, est un avantage considérable, que les habitants des grandes métropoles n'ont pas. Ce sont des terres d'expérimentation, avec une gouvernance proche des gens. Enfin les villes médianes s'inscrivent parfaitement dans la modernité et les tendances lourdes qui traversent la société, comme le désir d'une vie plus douce et porteuse de sens. Beaucoup décrivent la ville médiane, comme un espace de vie à taille humaine, qui offre les avantages de la métropole, sans le stress.

Ce n'est que si elles sont conscientes de leurs atouts considérables, que les villes médianes pourront partir à la conquête du rebond en travaillant sur les points de blocage qui empêchent leur décollage économique.
Cela dépend des femmes et des hommes qui font le territoire. Politiques, entrepreneurs, acteurs du monde culturel… Tous doivent s'employer à restaurer la fierté d'appartenir à leur région. C'est essentiel pour instaurer un climat de confiance, puis de conquête. Les villes médianes ont besoin de se libérer de la réserve qui les caractérise. Elles doivent s'emparer sans modestie de leurs atouts.

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