Les villes moyennes post 30 glorieuses

Tout le monde descend !
La fin des trente glorieuses a marqué le début d'immenses changements qui ont bouleversé le paysage économique, urbanistique et sociologique français. Les villes médianes, grandes oubliées de l'aménagement du territoire pendant quarante ans, ont été particulièrement touchées par ses bouleversements.

Désindustrialisation
Les fermetures et les délocalisations ont profondément et durablement meurtri l'économie des villes médianes. Elles se sont accompagnées de restructurations. Certaines filières ont regroupé leurs sites pour effectuer des gains de productivité. Dans le sillage de ces fermetures, c'est tout un écosystème économique et sociologique qui s'écroule. Sous-traitants, petits commerces et tissu associatif : Tout le monde descend !
Par la suite, la réorganisation des services de l'état, le retrait de l'armée, la fermeture de certains hôpitaux ont encore amplifié le phénomène de paupérisation.
A la fin des trente glorieuses, la part de l'industrie dans le PIB frôlait les 30%, avant de commencer son lent déclin dans les années 80, pour s'établir aujourd'hui aux alentours de 10%. La dépense publique s'est substituée à la richesse générée par ce secteur. C'est ainsi que certaines villes sont encore aujourd'hui sous perfusion de l'Etat.

Des petits commerçants aux zones commerciales
L'expansion de la grande distribution et la prolifération d'immenses zones commerciales ont défiguré l'abord des villes. Entre 1980 et 2020, les mousquetaires envahissent la France et passent de 310 Intermarchés à 1832 (Source Intermarché / Cité dans La France sous nos yeux). Ce chiffre est révélateur d'une transformation rapide et profonde qui a totalement chamboulé l'économie et le paysage de nos villes. Le commerce de centre-ville n'a pas ou peu résisté à ce raz de marée qui a tout emporté. C'est la fin d'une époque. Le début du déclassement pour les petits commerçants.
Tout le monde descend !

Tout le monde descend… Sauf la France TGV.
22 Sept 1981, François Mitterrand inaugure le TGV, lancé par Georges Pompidou et construit sous Valéry Giscard d'Estaing. Cette véritable fierté nationale fait entrer la France dans l'ère de la grande vitesse, symbole absolue de modernité.
Le caractère "anisotropique" du développement du réseau a créé deux types de villes : Les villes TGV et celles qui regardent passer le train. Cette reconfiguration spatiotemporelle du territoire a de nombreuses conséquences : Le renforcement de la référence à la Capitale : On dit que le Mans est à 54 mn de Paris. L'envolée des prix de l'immobilier et le développement économique rapide des cités TGV. Demain, l'interconnexion avec le réseau Européen va encore accentuer le phénomène.
A ces considérations économiques, il faut ajouter la perte de prestige subie par les oubliées de la grande vitesse. Alors que le TGV était présenté comme le fleuron de la technicité française, elles ont vécu comme un déclassement, voir un camouflet, le fait de ne pas figurer sur la carte de la modernité.
Quarante ans et trois milliards de passagers plus tard, le TGV aura été vécu de manières très inégales par les villes médianes. Certaines ont eu une deuxième chance d'être maillée au monde en devenant une des escales low-cost de Ryanair (Beauvais), qui desservent une trentaine de petits aéroports français.

Hiérarchisation du territoire… Qui descend ?
Autoroutes, LGV … Les infrastructures ont exacerbé les inégalités territoriales. C'est ainsi qu'une hiérarchie s'est installée, tout en haut de laquelle figure Paris, les grandes métropoles, les villes TGV, les régions touristiques et les autres. Les autres, ce sont ces territoires en quête d'attractivité économique et d'identité culturelle.

De la Nationale 7 à l'ère d'autoroute. On descend où ?
Le maillage autoroutier est un des vecteurs du développement économique. Comme toute chose, il a également des effets pervers. C'est le début des rocades, donc du contournement des villes, dans lesquelles on ne s'arrêtera plus. Adieu la petite station-service, les restaurants routiers et toute l'économie qui vivait du passage. Désormais on s'arrête sur les aires d'autoroute.
Autour des rocades on a vu proliférer les zones commerciales. En 1960 Carrefour inaugure son premier magasin. En 62 c'est Auchan et en 63 le premier hypermarché (Sup – 2.500m²) ouvre ses portes.
En quelques décennies, la France périurbaine a eu raison des coeurs de villes et de ses petits commerçants. Les rues piétonnes et les galeries marchandes de centre-ville peinent à vivre et aujourd'hui 70% des dépenses des Français se font en périphérie.
Tout cela est allé très vite. Trop vite peut-être. La France a du mal à se reconnaitre. Elle se sent défigurée. C'est d'ailleurs le titre d'une émission diffusée de 1971 à 78 sur les chaines de l'ORTF. Ce programme illustre bien la fracture naissante entre deux mondes. On y parle d'environnement et on met en garde contre le développement économique anarchique, qui bouleverse les paysages et bouscule les modes de vie.

Sédimentation des changements
Après la seconde guerre mondiale, la France est dévastée. On reconstruit, mais pas à l'identique. Le changement se fait par couches successives. C'est l'empilement de ces couches qui va former le nouveau terreau socio-économique français sur lequel nous vivons aujourd'hui.
Sédimentation du changement :
Prélèvement d'un échantillon

Déclin du secteur primaire
Urbanisation et périurbanisation
Globalisation des échanges
Désindustrialisation, délocalisation, robotisation
Développement du tertiaire
Développement de la société des loisirs
La conso des ménages, moteur de l'économie
Hybridation des traditions populaires et des cultures régionales
Modification de la carte des cultes
Américanisation des modes de vie
L'hégémonie du numérique et des réseaux sociaux
Les nouveaux entrants : Uber, Amazon, Airbnb, Booking, Waze ….
Le service et la data : Les nouveaux Eldorado
….


Le grand basculement
Cet échantillon n'est pas exhaustif des nombreux changements qui ont modifié en profondeur la société depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Que ce soit au niveau économique, culturel, social ou esthétique, la France se métamorphose.
Elle va au McDo, mange des sushis, des Kebabs, des Tacos…. Elle implore Jésus et prie Allah. Elle regarde Netflix, va chez Euro Disney et commande chez Amazon. Cette France en pleine mutation fascine ou fait peur selon qu'on pense en faire partie ou en être exclu.
Ces bouleversements expliquent en partie le renversement des axes gauche droite qui structuraient le paysage politique, par un basculement vertical, opposant désormais la France gagnante à la France déclassée.

Et les villes médianes dans tout cela !
Au bilan, comment les villes médianes ont-elles vécu ces mutations ? Diversement. Certaines n'ont pas encore fait le deuil de leur tissu industriel. D'autres se sont adaptées et ont su capitaliser sur leurs atouts : Ville TGV, ville touristique, ville culturelle…

Villes médiane – Embarquement immédiat ?
Lors du confinement, de nombreux citadins ont découvert les villes médianes. Ils ont été amenés à porter un regard différent de celui teinté de condescendance que Paris a l'habitude de poser sur la province.
Ils ont découvert l'espace, grâce à un immobilier plus accessible. Ils ont réinvesti le temps perdu dans les embouteillages, en cultivant les activités familiales. Ils ont profité de la proximité des loisirs et de la nature.
Espace, temps retrouvé, proximité… Ce cocktail séduit, mais sera-t-il suffisant pour attirer de nouvelles populations. Post confinement, beaucoup prédisaient un exode massif vers la province. Cela n'a pas eu lieu et seules les villes dont l'économie est dynamique ont vu de nouveaux arrivants s'installer. En clair, le nerf de la guerre de l'attractivité reste l'emploi. Et le numérique me direz-vous ! C'est en effet une piste à suivre, mais le secteur n'emploie aujourd'hui que 3% des salariés (Source DARES). Toutefois le THD et la 5G sont devenus des conditions d'implantation professionnelle.

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